Tambour Battant. C’est le nom de l’association qui a décidé de réintroduire la vannerie au sein de Cadenet, paisible commune au pied du parc naturel du Luberon, en Provence. C’est aussi le rythme d’un projet ambitieux, magnifique, au service d’un territoire en pleine mutation.
Deuxième volet d’une série que nous espérons longue sur les initiatives en faveur des savoirs et savoir-faire, voici l’histoire de Cadenet. Voisin de Lauris, autre village du Luberon qui fait perdurer la culture ancestrale des plantes tinctoriales (voir notre article), Cadenet ambitionne de relancer une filière, celle de l’osier. De la plantation du saule à sa transformation, de produits finis à leur vente… l’objectif est de recréer une véritable économie en montrant le caractère innovant et actuel de la vannerie, mais bien plus encore : de retrouver une identité.
Pendant 2 siècles, et du fait de la proximité avec la rivière La Durance, la culture de l’osier et de la vannerie a permis le développement d’activités artisanales et semi-industrielles qui marquèrent fortement la vie économique et sociale de Cadenet. En 1906, on dénombrait ainsi 206 vanniers pour 2 000 habitants. La concurrence de la production d’Extrême-Orient et l’arrivée du plastique va faire décliner rapidement cette activité jusqu’à son arrêt complet en 1978. Même si la mémoire de cette période est conservée au musée départemental de la vannerie de Cadenet, le savoir-faire se perd, ainsi que les traditions du village autour de cet artisanat.
« Pourtant les débouchés sont nombreux. Beaucoup de champs d’application sont connus et beaucoup restent à explorer*. J’aimerais qu’un jour on puisse parler de Cadenet comme la cité internationale de l’osier ! » Véronique Puvilland, présidente de l’association, communique une énergie débordante. Cette graphiste de formation consacre désormais beaucoup de son temps à cette tâche, avec une équipe particulièrement mobilisée. Car ce qui est rare dans cette aventure n’est pas tant l’entreprise elle-même que l’infatigable détermination de ses bénévoles, doublée d’une solide méthodologie. A l’image du Tambour d’Arcole qui trône fièrement sur la place du village et qui donne son nom à l’association**, les cadenétiens ne manquent pas d’audace et n’hésitent pas à prêter main forte.
D’abord, en créant autour du programme les conditions les plus favorables et sensibiliser à ses opportunités. Grâce au fermage d’un demi-hectare de terrain, ils plantent et récoltent 20 000 plants d’osier. De là, les initiatives se multiplient : site Internet, lettre d’information, workshops Design, expositions, stages, marchés… tout est bon pour susciter un regain d’intérêt autour de cette pratique, faire travailler l’intelligence collective et impliquer l’ensemble des habitants.
Mais surtout, en allant chercher auprès de la région comme de l’Union européenne les subsides indispensables au développement d’une économie locale. Grâce au programme de financements LEADER (Liaison Entre Action de Développement de l’Economie Rurale), l’association se donne les moyens : réalisation d’une étude du potentiel de production d’osier pour la vannerie à Cadenet, inventaire patrimonial et touristique autour de l’osier et de la vannerie, commande d’une œuvre artistique à installer au cœur du village… les dossiers sont détaillés, rigoureux. Un modèle du genre, qui permet à l’association de bénéficier de plusieurs aides substantielles, et de prétendre à la poursuite de ses travaux.
Aujourd’hui, un second chapitre s’ouvre avec, à la clé, de l’emploi, de l’artisanat, du tourisme. De l’écologie, de la recherche. De l’innovation. Entre enjeux environnementaux et équité sociale, tout un patrimoine est à rebâtir. La réintroduction de l’osiériculture ouvre un écosystème vertueux qui permettra à Cadenet de se redonner une image et sans doute une attractivité à la vallée à travers – pourquoi pas ? – un label d’excellence. Ces avancées remarquables ne doivent pas faire oublier les obstacles : « Ce n’est pas facile. Nous nous heurtons à des couches administratives très françaises… Mais nous persévérons et nous progressons. Nous sommes très complémentaires et très soudés. C’est notre atout pour ce projet de longue haleine. »
Ne rien lâcher, sans cesse repousser les limites et les portes, Véronique ne cache ni les déceptions ni les victoires. Mais comme le pragmatisme est fongible dans les rêves les plus fous, alors Cadenet sera bientôt un comptoir sur la Route de l’osier.
*L’osier, un champ d’innovation responsable
Les vertus de l’osier ne se compte plus, d’autant que le saule est peu exigeant pour pousser, grâce au bouturage dans l’eau ou directement dans le sol. A partir de cette plante qui sera récoltée dès la pousse de l’année, il est possible de produire des branches pour la vannerie (« osier »), des fibres (pour faire du papier, de la corde…), du fusain et charbon, du fourrage… mais aussi – et on le sait moins : de l’acide acétylsalicylique, qui fait partie des substances actives de l’aspirine.
En permaculture, les fonctions du saule peuvent permettre une production rapide de biomasse, de bois de chauffe, d’abris pour de nombreux animaux sauvages, de brise-vent, de dépollution des sols et épuration de l’eau grâce à ses racines, qui vont aussi lutter contre contrer l’érosion des sols. Il est aussi source de nectar pour les abeilles et autres insectes.
**Le Tambour d’Arcole, symbole du courage d’un village
La légende est née d’un jeune homme, André Estienne né à Cadenet en 1777, engagé comme volontaire à 14 ans dans le régiment de l’armée de Bonaparte. En 1796, à Arcole, les troupes napoléoniennes sont bloquées devant la rivière l’Alpone. Accompagné de quelques soldats, il la traverse à la nage, son tambour sur la tête. Arrivé de l’autre côté, avec un culot extraordinaire, il se met à battre la charge. Les ennemis autrichiens, se croyant encerclés, battent en retraite laissant ainsi la victoire aux armées de l’Empereur. Il recevra la Légion d’honneur des mains de Napoléon et sera par la suite représenté sur le fronton du Panthéon et sur un haut-relief de l’Arc de Triomphe. Pendant la seconde guerre mondiale, les Allemands réquisitionnent les matières premières, et les statues vauclusiennes sont déboulonnées et fondues. Dans la nuit du 4 au 5 septembre 1943, un groupe de Résistants de Cadenet vole la statue et la conserve en lieu sûr jusqu’à la libération.
Daring wicker: the crazy bet of the village of Cadenet.
« Beating Drum ». This is the name of the association that decided to reintroduce basketry in Cadenet, a peaceful town at the foot of the Luberon natural park, in Provence. It is also the rhythm of an ambitious, magnificent project in the service of a rapidly changing territory.
Second part of a series that we hope will be long on initiatives in favor of knowledge and know-how, this is the story of Cadenet. Neighbor of Lauris, another village in the Luberon which continues the ancestral culture of dye plants (see our article), Cadenet aims to revive a sector, that of wicker. From planting willow to processing, from finished products to their sale… the objective is to recreate a real economy by showing the innovative and current character of basketry, but much more: to find an identity.
For two centuries, and due to its proximity to the Durance river, the cultivation of wicker and basketry allowed the development of artisanal and semi-industrial activities which strongly marked the economic and social life of Cadenet. In 1906, there were 206 basket makers for every 2,000 inhabitants. Competition from production from the Far East and the arrival of plastics caused this activity to decline rapidly until it came to a complete stop in 1978. Even if the memory of this period is preserved in the departmental museum of basketry of Cadenet, the know-how is lost, as well as the traditions of the village around this craft.
“Yet the opportunities are numerous. Many fields of application are known and many remain to be explored*. I would like one day we could speak of Cadenet as the international city of wicker! » Véronique Puvilland, president of the association, communicates boundless energy. This trained graphic designer now devotes a lot of her time to this task, with a particularly mobilized team. Because what is rare in this adventure is not so much the project itself as the tireless determination of its volunteers, coupled with a solid methodology. Like the Tambour d’Arcole (« Beating Drum »), which proudly stands in the village square and which gives its name to the association **, the Cadenetians are not lacking in daring and are not hesitant to lend a hand.
First, by creating the most favorable conditions around the program and raising awareness of its opportunities. Thanks to the renting of half a hectare of land, they plant and harvest 20,000 wicker seedlings. From there, initiatives are multiplying: website, newsletter, Design workshops, exhibitions, internships, markets … everything is good to arouse renewed interest around this practice, make collective intelligence work and involve all the inhabitants.
But above all, by going to the region and the European Union to find the essential subsidies for the development of a local economy. Thanks to the LEADER funding program (Link between Action for the Development of the Rural Economy), the association is giving itself the means: carrying out a study of the production potential of wicker for basketry in Cadenet, heritage and tourism inventory around wickerwork and basketry, commissioning of an artistic work to be installed in the heart of the village … the files are detailed, rigorous. A model of its kind, which allows the association to benefit from several substantial grants, and to claim the continuation of its work.
Today, a second chapter opens with, at the end of the day, employment, crafts, and tourism. Ecology, research. Innovation. Between environmental issues and social equity, a whole heritage needs to be rebuilt. The reintroduction of osier culture opens up a virtuous ecosystem which will allow Cadenet to give back an image and undoubtedly an attractiveness to the valley throughout – why not? – a label of excellence. These remarkable advances must not obscure the obstacles: “It’s not easy. We come up against very French administrative layers… But we persevere and we progress. We are very complementary and very united. This is our asset for this long term project. «
Never letting go, constantly pushing the limits and the doors, Véronique does not hide disappointments or victories. But since pragmatism is fungible in the wildest dreams, then Cadenet will soon be a counter on the Wicker Route.
* Wicker, a field of responsible innovation
The virtues of wicker can no longer be counted, especially as willow is undemanding to grow, thanks to cuttings in water or directly in the ground. From this plant which will be harvested from the growth of the year, it is possible to produce branches for basketry (« wicker »), fibers (to make paper, rope …), charcoal, fodder… but also – and we know it less: acetylsalicylic acid, which is one of the active substances of aspirin. In permaculture, the functions of willow can allow rapid production of biomass, firewood, shelter for many wild animals, windbreaks, soil remediation and water purification thanks to its roots, which will also fight against soil erosion. It is also a source of nectar for bees and other insects.
** The Arcole Drum, symbol of the courage of a village
The legend was born of a young man, André Estienne, born in Cadenet in 1777, enlisted as a volunteer at the age of 14 in the regiment of Bonaparte’s army. In 1796, in Arcole, the Napoleonic troops were blocked in front of the Alpone river. Accompanied by a few soldiers, he swims across it, his drum on his head. Arrived on the other side, with extraordinary nerve, he begins to beat the charge. The Austrian enemies, believing themselves to be surrounded, beat a retreat, leaving the victory to the armies of the Emperor. He will receive the Legion of Honor from the hands of Napoleon and will subsequently be represented on the pediment of the Pantheon and on a high relief of the Arc de Triomphe. During the Second World War, the Germans requisitioned raw materials, and the county’s statues were debunked and melted down. On the night of September 4-5, 1943, a group of Resistance fighters from Cadenet stole the statue and kept it in a safe place until liberation.
En savoir plus sur ce formidable village : https://luberon.fr/communes/cadenet